Welcome home, my Lady...

Asriel fit aussi vite qu'il put. Il bougeait bien plus vite qu'un humain normal, mais il ne voulais surtout pas attirer l'attention sur lui, vu la situation compromettante dans laquelle il se trouvait. C'est pourquoi il ne fit usage ni de ses pouvoirs vampiriques non spontanés, ni d'aucun sortilège.

Bientôt, il arriva à son bureau, sans avoir croisé qui que ce soit, et il avait la certitude de n'avoir pas été suivi. Cependant, n'importe qui ou presque pourrait venir le déranger, même en pleine nuit, c'est pourquoi il devait faire vite.
D'autant plus vite que le coeur d'Angelina était à deux doigts de lacher.

Il la transporta sur le lit à baldaquin de la chambre située derrière son bureau, après avoir fermé la porte et avoir ensorcelé l'endroit d'un sort d'impassibilité.

Lorsqu'il l'étendit, elle rouvrit péniblement les yeux, ayant lutté tout au long de leur périple pour rester éveillée.

- Est-ce que nous sommes arrivés...?

- Oui, chérie. Tiens... Bois, vite.

Il retroussa sa manche, se mordit le poignet d'où s'échappa un filet de sang, et le tendit aussitôt à la femme.
Celle-ci, avisant le sang presque noir qui perlait su la peau marmoréenne d'Asriel, eut un faible mouvement de recul; il insisita, elle protesta encore, s'éloignant de ce qu'on lui offrait.

- Si tu ne bois pas tu vas mourrir!

- Qu'importe!

- Angelina je t'en SUPPLIE...!

- ... Ce sera de ta faute et tu t'en voudra pour le reste de ton existence maudite...

Un sourire, ou plutôt un rictus de satisfaction railleuse chagea son expression. Elle songea qu'il ne pourrait pas l'obliger à boire son sang, et que de toute façon elle n'avait plus beaucoup de temps à tenir. Mais alors pourquoi avoir fait tant d'efforts? Pour qu'il soit encore plus déçu d'être arrivé jusqu'ici pour finalement échouer, si près du but...?

Mais le vampire n'était pas dupe et il connaissait l'ultime point faible de la mourante.

- Si tu n'obéis pas, j'en ferai autant à ta fille. Et je ne serai pas aussi tendre ni aussi patient qu'avec toi.

Elle rouvrit les yeux, immédiatement.

- Non! Je t'ai dit de ne pas l'y mêler! Elle ne sait même pas qui tu es! Tu n'es rien pour elle, jamais elle ne te servira...

- ... Ce n'est pas ce que j'attends d'elle.

- Alors quoi? Qu'est-ce que tu veux?

- Je veux remonter le temps.

- Tu ne peux pas, je ne te pardonnerai pas ce que tu as fait.

- On verra bien!!

Cette fois-ci, excédé, il lui empoigna le menton et fit tomber de force quelques gouttes de son sang dans la bouche d'Angelina. Elle eut beau se débattre, il ne la lacha que lorsqu'elle s'étouffa.
Elle toussa un instant, mais en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, ce sang eut le même effet qu'une drogue, et, malgré toute la résistance mentale qu'elle pouvait y opposer, elle ne put s'empêcher d'utiliser ses dernières forces pour se jeter sur la plaie offerte.

Pendant des secondes qui semblèrent interminables, elle aspira une quantité prodigieuse de cette liqueur infernale qui deviendrait pour elle la plus divine de toutes, celle dont le souvenir ne s'éteindrait jamais en elle.




- Ca... Ca suffit maintenant arrête!!

Elle maintenait furieusement la plaie à ses lèvres, mais Asriel l'empêcha de le vider de son sang. La chemise d'hôpital d'Angelina était macculée de taches rouges.
Celle-ci fut comme étourdie un instant, puis tomba à la renverse sur le lit, prise de convulsions. Elle se tordait de douleur sur le lit, mais Asriel alla simplement s'asseoir non loin de là, reprenant peu à peu ses esprits, car avec tout le sang qu'il avait perdu la tête lui tournait.

Quand la crise d'Angelina fut achevée, cette dernière changea légèrement. Auparavant, elle n'était qu'une femme à la maigreur et la pâleur effrayantes, à la mine maladive et exténuée par trop de souffrances autant physiques que psychologique, et à qui l'on donnait largement 45 ans.
Son teint pâle était toujours le même, mais tout le reste en elle reprit de l'éclat, un éclat indescriptible. Sa maigreur fut changée en formes avantageuses, son visage reprit la forme de celui d'une femme mûre d'une beauté accablante, sa chevelure sans aucune forme se fit épaisse et gracieusement ondulée et prit la couleur du caramel chaud avec des reflets d'or, et lorsqu'elle rouvrit ses yeux d'un vert foncé brillant, ils avaient en eux le feu démoniaque de ceux d'Asriel, son Sire.

Celui-ci regarda la scène se produire avec satisfaction. Elle était bel et bien redevenue sa Reine, celle qu'elle était autrefois. Encore plus belle, peut-être, car elle avait désormais le physique brûlant et magnifique d'une femme d'à peu près 35 à 40 ans.



Elle se redressa, s'étirant langoureusement, puis regarda autour d'elle.

- Je vois que tu as gardé un goût prononcé pour les belles choses, mon cher Asriel.

- D'aucuns auraient préféré dire que je me complaisais dans ma ringarderie.

- Ha ha... Les temps n'ont pas beaucoup changé, à ce que je vois...

- Absolument pas.

Angelina se leva et s'approcha avec une félinité à faire blêmir de jalousie la plus belle des panthères noires.
Asriel l'accueillit à bras ouverts et elle s'assit sur ses genoux, les bras autour de son cou.

- Qu'allons-nous faire, maintenant, trésor?

- Nous mettre à table, mon Amour.

Les yeux d'Angelina s'embrasèrent.
Asriel la canalisa tout de même.

- Mais avant cela, je vais te présenter ta nouvelle garde-robe, et tu vas m'ôter cette ridicule chemise de nuit, veux-tu?

- Mmmh... D'accord, mais tu me promets qu'on mange après..., fit-elle avec une petite moue d'enfant déçu.

Asriel sourit, et à l'aide de sa baguette, fit apparaître tout un étallage de robes plus belles les unes que les autres.
Sa femme poussa une exclamation, extasiée, puis se rua sur toutes ces merveilles du monde féminin. Elle jeta son dévolu sur une sublime robe visctorienne pourpre.
Elle la tint devant elle un moment, émerveillée, puis, faisant fi du regard d'Asriel qui n'en espérait pas moins, se changea sur place.




Une fois qu'elle eut revêti cet écrin de princesse, Asriel s'approcha d'elle, et l'aida à aggraffer le corset derrière son dos, puis sortit d'un tiroir de sa table de chevet un coffret en satin noir.
Il demanda à Angelina de fermer les yeux, tout en restant face au miroir ensorcellé où elle pouvait voir son reflet, et accrocha une parure d'une facture stupéfiante de raffinement autour de son cou. Elle était faite de diamants noirs et rouges, accompagnés de quelques rubis et de jais.

Lorsqu'elle vit ce collier, Angelina se figea: Asriel la lui avait déjà offerte, juste avant qu'ils ne se séparent.

- Alors tu l'as gardée...

- Je savais que tu la porterais de nouveau un jour. Ce jour est arrivé.

- J'avais oublié combien elle était indescriptiblement belle...

Après un moment de silence extatique, elle se retourna vers son mari pour le gratifier d'un baiser passionné.